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Rencontre avec Séverine Vidal, scénariste des Pays d'Amir !

22/03
À l'occasion de la sortie du one-shot Les Pays d'Amir, découvrez notre interview de la scénariste Séverine Vidal
 
Dans quel contexte ce livre est-il né ?
Ses origines sont multiples. La question de l'accueil des réfugiés me tourmente depuis plus de vingt-cinq ans. J'ai commencé à y être confrontée très tôt, dans une autre vie, quand j'étais enseignante. J'en parle dans Les Papiers d'Omar, un épisode du podcast Une histoire et Oli coécrit avec Sophia Aram, pour France Inter. C'est l'histoire d'un monsieur, qui était agent de nettoyage dans mon école, et sans-papiers – c'est comme cela que l'on disait à l'époque. Nous l'avions aidé à notre façon, car il subissait une situation absolument anormale. Depuis que j'écris, j'anime aussi beaucoup d'ateliers d'écriture. Récemment, j'ai eu l'occasion de le faire dans des classes UPE2A, qui rassemblent des élèves allophones, enfants et adolescents mineurs isolés. Ensemble, nous avons fait des ateliers d'écriture de podcasts.
 
Amir existe-t-il vraiment ?
Non. Mes sources d'inspiration sont mes colères et mes tristesses, qui ressortent sous forme de fiction. Les Pays d'Amir ne raconte pas l’histoire de quelqu'un que je connais. En revanche, Amir est la somme de ces vies que j'ai croisées, que j'ai rencontrées. C'est un personnage que j'ai créé à partir de tout ce que j'ai pu entendre, notamment durant ces ateliers d'écriture. Je voulais raconter le parcours de quelqu'un qui arrive en France, qui a eu une formation dans son pays, et qui y a même une forme de reconnaissance sociale. J'ai l'impression que l'on décrit toujours les mêmes réfugiés, les mêmes migrants dans les médias. Là, je voulais qu'on le voie avant tout comme un être humain. Il arrive avec ses souvenirs, ses émotions, avec les odeurs et les goûts qui le ramènent à son enfance, avec les choses qu'il aime et qui le font vibrer... Tout ce que l'on oublie lorsque l'on réduit les gens à un statut.
 
Vous évoquez l'importance des souvenirs culinaires : est-ce la raison pour laquelle la cuisine tient une place si particulière dans ce livre ?
Je voulais parler de partage et de convivialité. Et j'avais trois pistes : la musique, l'humour et la cuisine. Mon père était cuisinier, donc je pense que cela a joué. Il m'a peu transmis ses recettes, et je le regrette beaucoup. J'ai donc imaginé ce personnage qui arrive en France avec le cœur et la tête remplis de ces souvenirs. Cet attachement à la cuisine le porte, lui rappelle qu'il n'a pas tout perdu. Ma fille m'a aidée à choisir les recettes, à les tester, et à trouver les souvenirs qui leur étaient liés. Je n'aime pas tellement le dispositif des flash-back en bande dessinée. Passer par cette évocation des souvenirs était le moyen alternatif de raconter le passé d'Amir ; et d'entendre sa voix. D'ailleurs, dans Le Plongeon, Yvonne raconte aussi son passé via sa voix intérieure. C'est mon ADN de romancière qui ressort dans l'écriture de mes scénarios de bande dessinée. Je cherche une façon de faire entendre aux lecteurs et aux lectrices la voix intérieure du personnage. Cela me permet aussi de montrer aux côtés de qui je me tiens tout au long de ce parcours.
 
Quel rôle peut jouer cet album dans le contexte actuel de normalisation du discours de l'extrême-droite ?
Cela me bouleverse de voir à quel point ce discours s'est complètement décomplexé. Il y a même désormais une certaine fierté à le défendre. Les temps ont bien changé. Quand j'étais au lycée, à la fin des années 1980, jamais personne n'aurait avoué avoir voté Le Pen. C'était l'exception ; on n'en connaissait pas. Aujourd'hui, dans la campagne où je vis, je sais qu'il y a une chance sur trois pour que la personne que je croise ait voté Le Pen ou Zemmour. Cette montée des nationalismes m'inquiète énormément. Je n'arrive même pas à concevoir que ce soit possible. Pour autant, je n'essaye pas de faire passer de message dans mes bandes dessinées. Je ne suis ni sociologue, ni journaliste politique. Je mets en scène des personnages dont on suit le parcours et auxquels, je l'espère, on s'attache.
 
Comment cette première collaboration avec Adrián Huelva s'est-elle déroulée ?
Adrián Huelva forme, notamment avec Alicia Jaraba et Victor L. Pinel, un groupe de dessinateurs et de dessinatrices très soudé. Comme je travaille beaucoup avec des artistes espagnols, notamment Alicia et Victor, mon éditeur, Hervé Richez, m'a suggéré de m'associer à Adrián. Cela a tout de suite collé. Je me suis très vite rendu compte que nous parlions la même langue. Il a saisi ce que je voulais raconter à travers le personnage d'Amir. Il s'est emparé de mon scénario. C'était vraiment très chouette de travailler avec lui. D’ailleurs, nous avons déjà un autre projet ensemble.

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