À l'occasion de la sortie du thriller Automne en baie de Somme, découvrez l'interview du scénariste Philippe Pelaez et du dessinateur Alexis Chabert !
Comment est née l’idée d’un polar dont l’intrigue prend place au début du XXe siècle ?
Alexis Chabert : Quand Hervé Richez m’a proposé de travailler sur un album pour Grand Angle, j’ai tout de suite accepté à condition que le scénario soit ancré à Paris en 1900. Je pensais à un recueil de nouvelles fantastiques et un hommage aux peintres de l’époque… Hommage que j’ai tenté de rendre finalement à travers la proposition de Philippe Pelaez !
Philippe Pelaez : De mon côté, j'avais envie d'approfondir un peu ce que j’avais fait avec Tibuce Oger dans L'Enfer pour Aube, paru en mars chez Soleil : un récit fort, centré autour de la femme au tournant du XXe siècle, une sorte de plaidoyer pour la condition féminine en 1896
Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce Paris de la Belle Époque ?
Philippe Pelaez : Le Paris de la Belle Époque est un tourbillon culturel et social où l'art explose, où la science progresse à pas de géant, où la France, et surtout Paris embellie par les travaux d'Haussmann, devient le centre du monde avec comme point d'orgue l'Exposition universelle de 1900, après celle de 1889. La Belle Époque, c'est l'insouciance des cabarets, mais aussi le développement des contre-sociétés telles que les mouvements anarchistes ou la criminalité organisée avec les fameux Apaches. Une sorte d'entracte heureux coincé entre la guerre de 1870 et la Première Guerre mondiale.
Alexis Chabert : J’aime beaucoup la période picturale située entre la seconde moitié du XIXe siècle et la première moitié du XXe . Je suis fasciné par des artistes comme Picasso ou Kandinsky qui révolutionnent la peinture, comme par ceux qui s’inscrivent dans une tradition classique, en y ajoutant leur touche de modernité. Je me suis largement inspiré de peintres comme Jean Béraud qui a su représenter le Paris haussmannien de la Belle Époque et retranscrire des émotions autour d’un soir qui tombe en hiver ou la pluie sur les trottoirs.
Pouvez-vous nous parler de votre technique graphique ?
Alexis Chabert : Je voulais faire cet album en couleur directe, que j’avais délaissée depuis longtemps. Je suis devenu un amateur de technologie et de Photoshop : techniques efficaces qui n’ont toutefois pas le charme du « fait à la main ». C’est aussi un rapport à la matière Un Paris de la Belle Époque digne d’une toile de Toulouse-Lautrec, un industriel assassiné, un flic cabossé par la vie, un modèle adulé du peintre Mucha, une riche épouse oubliée… Tout est en place pour un polar aussi ambitieux qu’esthétique signé par le duo inédit Philippe Pelaez-Alexis Chabert. Interview qui implique une relation au temps différente. Cela demande beaucoup d’investissement, de temps, mais je me suis senti tellement grandi personnellement. J’ai mélangé de nombreuses techniques : de l’acrylique, de la gouache, des encres de couleur, du stylo bille, des pastels secs, des crayons de couleur… et même du Tipp-Ex !
Alexis Chabert : Je voulais faire cet album en couleur directe, que j’avais délaissée depuis longtemps. Je suis devenu un amateur de technologie et de Photoshop : techniques efficaces qui n’ont toutefois pas le charme du « fait à la main ». C’est aussi un rapport à la matière Un Paris de la Belle Époque digne d’une toile de Toulouse-Lautrec, un industriel assassiné, un flic cabossé par la vie, un modèle adulé du peintre Mucha, une riche épouse oubliée… Tout est en place pour un polar aussi ambitieux qu’esthétique signé par le duo inédit Philippe Pelaez-Alexis Chabert. Interview qui implique une relation au temps différente. Cela demande beaucoup d’investissement, de temps, mais je me suis senti tellement grandi personnellement. J’ai mélangé de nombreuses techniques : de l’acrylique, de la gouache, des encres de couleur, du stylo bille, des pastels secs, des crayons de couleur… et même du Tipp-Ex !
Vous n’en êtes pas à votre coup d’essai en matière de BD historique. Pensez-vous que l’Histoire peut aider à comprendre le présent ?
Philippe Pelaez : Le propre de l'homme est d'oublier son histoire, et il suffit simplement de regarder les événements récents pour constater que nous répétons les mêmes erreurs, tout le temps. Comme a pu l'écrire Marc Bloch, l'historien n'est qu'un juge d'instruction menant une vaste enquête sur le passé, enquête pour laquelle les témoins ne sont pas toujours très sincères. Je ne sais pas si l'Histoire aide à appréhender le présent. En revanche, elle éclaire surtout, à mon goût, la bêtise humaine. En poursuivant avec Marc Bloch, je dirais que c'est le contraire : la lecture du présent permet d'expliquer le passé.
Alexis Chabert : On a souvent tendance à fantasmer le passé. Ces voyages dans le temps en BD, par le biais d’une immersion dans les toiles de l’époque, m’ont permis aussi de prendre du recul par rapport à notre présent. Peut-être que plus tard, nous verrons du beau dans notre époque, là où l’on n’est pas encore capable de le voir.
Philippe Pelaez : Le propre de l'homme est d'oublier son histoire, et il suffit simplement de regarder les événements récents pour constater que nous répétons les mêmes erreurs, tout le temps. Comme a pu l'écrire Marc Bloch, l'historien n'est qu'un juge d'instruction menant une vaste enquête sur le passé, enquête pour laquelle les témoins ne sont pas toujours très sincères. Je ne sais pas si l'Histoire aide à appréhender le présent. En revanche, elle éclaire surtout, à mon goût, la bêtise humaine. En poursuivant avec Marc Bloch, je dirais que c'est le contraire : la lecture du présent permet d'expliquer le passé.
Alexis Chabert : On a souvent tendance à fantasmer le passé. Ces voyages dans le temps en BD, par le biais d’une immersion dans les toiles de l’époque, m’ont permis aussi de prendre du recul par rapport à notre présent. Peut-être que plus tard, nous verrons du beau dans notre époque, là où l’on n’est pas encore capable de le voir.
À travers notamment l’histoire de ce modèle du peintre Mucha, ce polar aborde aussi la condition féminine à cette époque…
Philippe Pelaez : Automne en baie de Somme n'est pas simplement l'histoire d'un crime joliment enrobé dans un emballage Art nouveau. C'est un plaidoyer pour la femme au tournant du XXe siècle : la femme allégorique symbolisant la République, la femme maternelle, prisonnière de son corps. La femme émancipée et dangereuse qui se bat avec ses propres armes : celles de la séduction. Le récit est d'ailleurs rythmé par des passages des œuvres de Nelly Roussel, écrivain et militante féministe pour qui la femme, à cette époque, est « l'éternelle sacrifiée » de la République.
Philippe Pelaez : Automne en baie de Somme n'est pas simplement l'histoire d'un crime joliment enrobé dans un emballage Art nouveau. C'est un plaidoyer pour la femme au tournant du XXe siècle : la femme allégorique symbolisant la République, la femme maternelle, prisonnière de son corps. La femme émancipée et dangereuse qui se bat avec ses propres armes : celles de la séduction. Le récit est d'ailleurs rythmé par des passages des œuvres de Nelly Roussel, écrivain et militante féministe pour qui la femme, à cette époque, est « l'éternelle sacrifiée » de la République.
Rien n’est manichéen dans Automne en baie de Somme. Jouer avec le lecteur vous plaît visiblement…
Philippe Pelaez : Je joue avec le lecteur, car j'ai énormément de moyens à ma disposition, et notamment la narration omnisciente, celle de celui qui est au-dessus de l'histoire, des personnages. Mais c'est un jeu que j'espère agréable, car c'est la force et la profondeur que l'on donne aux acteurs du récit qui entraînent le lecteur à les suivre n'importe où. Le manichéisme n'est qu'une vue de l'esprit : on ne peut juger le monde uniquement en termes de bien ou de mal, de noir ou de blanc. « Je » est toujours « plusieurs ».
Philippe Pelaez : Je joue avec le lecteur, car j'ai énormément de moyens à ma disposition, et notamment la narration omnisciente, celle de celui qui est au-dessus de l'histoire, des personnages. Mais c'est un jeu que j'espère agréable, car c'est la force et la profondeur que l'on donne aux acteurs du récit qui entraînent le lecteur à les suivre n'importe où. Le manichéisme n'est qu'une vue de l'esprit : on ne peut juger le monde uniquement en termes de bien ou de mal, de noir ou de blanc. « Je » est toujours « plusieurs ».